L’interdiction de tatouage au Japon

“TATTOO BAN IN JAPAN” – L’interdiction de tatouage en mots clairs

En date d’aujourd’hui, le Japon a toujours une interdiction de pratiquer l’art du tatouage. Après avoir discuté avec plusieurs tatoueurs japonais, je vais essayer de mettre en mots clairs ce phénomène qui semble si ridicule à nos yeux d’occidentaux.

Parce qu’ici ça ne passerait pas; les gens descendraient dans les rues pour protester! Mais au Japon, maintenant seuls les médecins peuvent tatouer! En résumé, cela qui signifie que pour pouvoir utiliser des aiguilles pour perforer la peau (i.e. : des aiguilles de tatouage), il faut avoir une licence médicale. Ceci peut sembler absurde mais c’est exactement ce qu’il se passe au Japon en ce moment. Les tatoueurs sont passibles d’amandes très salées et même d’emprisonnement.

Tout a commencé en 2001 quand le ministère de la Santé a classifié le tatouage comme une procédure médicale. Depuis ce jugement, le tatouage est resté dans une zone grise pendant plusieurs années. La loi prévoit jusqu’à 3 ans d’emprisonnement ou jusqu’à une amande de 1,000,000 yen (environ 12 000$ CAN) pour tout contrevenant.

En effet, en 2015 la cour de Osaka a condamné Taiki Masuda, un tatoueur de 30 ans, à une amande de 300,000 yen (environ 3600$ CAN) pour avoir violé « l’acte de pratique médical » qui réserve qu’au médecin le droit de pratiquer des « actes médicaux ». Depuis Masuda est en croisade contre cette loi injuste qui pénalise les travailleurs honnêtes. Il est le co-fondateur de l’organisme à but non-lucratif ‘’Save Tattooing in Japan’’.

Plusieurs événements ont amené le gouvernement à mettre en place cette loi. La première est à cause du maquillage permanant non-professionnel. Ils ont eu plusieurs problèmes avec des non-professionnels qui ont raté certaines procédures. Ainsi la solution du gouvernement est de seulement d’autoriser les professionnels de la santé à faire du maquillage permanent et d’utiliser ce type d’aiguille. Cela a donc eu pour conséquence de bannir aussi les aiguilles à tatouage.

La deuxième raison de cette loi est de rendre le tatouage inaccessible aux jeunes. En effet, contrairement à partout dans le monde où le tatouage gagne de plus en plus de popularité, le tatouage au Japon perd des adeptes et recommence à être discriminé. Le gouvernement essaye donc de limiter sa progression car au Japon, ça reste encore associé aux Yakuza… Ainsi, le tatouage est plus le symbole d’un échec social qu’un mouvement artistique.

Même si les tatoueurs se battent pour faire valoir leur travail comme de l’art. Le gouvernement reste sourd face à leurs revendications. Depuis la loi, plus de la moitié des studios ont fermés et beaucoup de tatoueurs quittent le Japon pour travailler.

Le tattoo ban ne touche pas seulement les aiguilles, plusieurs studios de tatouage ont dus enlever leurs pancartes extérieures écrites TATTOO. Louer un local pour faire du tatouage devient impossible à moins d’avoir des contacts. Même certains tatoueurs s’ouvrent une deuxième compagnie pour justifier leur revenu et ne pas se faire prendre par les Impôts. Bien sûr il est difficile pour les tatoueurs d’importer des aiguilles et du matériel de tatouage, certains sont même retourner à faire leurs aiguilles à la main.

Finalement, cette loi a eu pour effet de aussi de faciliter une certaine discrimination envers les gens qui ont des tatouages : Au Japon c’est très répandu de devoir suivre un examen médical pour travailler dans une grosse compagnie. Si le médecin voit un tatouage, il est possible que vous n’ailliez pas le poste ou même que vous perdiez votre poste.

Les enfants des gens tatoués peuvent se voir refuser l’accès à de bonnes écoles. Les conjointes de plusieurs de mes amis tatoueurs portent des pansements sur leurs tatouages de doigts à chaque fois qu’elle vont chercher leur enfants à l’école.

C’est ainsi qu’en février 2017, la convention de tatouage King of Tattoo 2017 a été annulée par les organisateurs. À cause de la pression du gouvernement, les organisateurs ont eu peur de représailles et ils ont aussi eu peur que tous les artistes cancel leur présence à l’événement. Ils ont quand même fini par faire la convention mais à un endroit plus discret en novembre 2017.

En date d’aujourd’hui, j’ai le plaisir d’annoncé que Taiki Masuda a été acquitté le 14 novembre 2018 après un long procès de 3 ans. Il n’a pas été reconnu coupable et il veut continuer à travailler avec le gouvernement et les tatoueurs pour réussir à trouver un terrain d’entente. Car le gouvernement n’a pas révisé la loi, les studios de tatouage continuent à fermer et la mentalité des gens face au tatouage reste conservatrice. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour que le tatouage soit reconnu comme une forme d’art.

J’espère que ce phénomène se résorbera et que le Japon réalisera que le tatouage est un art, avant qu’il ne reste plus de tatoueurs Japonais! Il est certain que plusieurs articles et plusieurs journalistes s’intéresserons à ce phénomène lors des Jeux Olympiques de Tokyo en 2020. Que vont-ils faire des visiteurs et des participants tatoués aux Jeux Olympiques?

Pour plus d’information, je vous invite à visiter la page de Save Tattooing in Japan :
http://savetattooing.org